Un beau soir pluvieux... [Calypso Travers]

Clio se promenait, tranquillement, sans se presser, parcourant les couloirs sans but. Elle était seule, mais croisait parfois d'autres élèves, qu'elle connaissait ou pas. Ce soir là, elle ne savait pas trop quoi faire. Elle avait déjà terminé ses devoirs, le repas ne serait servi que dans au moins une demi-heure et elle ne se sentait pas d'humeur à faire de la lecture. Faire un tour dehors lui aurait bien tenté, si ce n'était des nuages sombres et du terrain boueux. Bref, elle ne savait pas quoi faire et n'avait pas du tout envie de s'installer en attendant quelqu'un ou quelque chose. C'est pourquoi la jeune élève avait décidé d'aller déambuler dans les couloirs, sans but précis. Alors qu'elle marchait d'un pas rapide, elle tourna vers la grande salle. L'heure du repas tardait encore, mais à l'autre bout du couloir, la sorcière venait de remarquer sa soeur. Elle s'approcha encore, incertaine que c'était bien elle et trop gênée pour se précipiter vers des étrangers. Il n'y avait aucun doute, c'était bien elle! Souriante, elle se précipita vers sa soeur en courant. S'arrêtant à la dernière seconde, elle ne se jeta pas dans ses bras, contrairement à ce qu'elle aurait voulu faire. Mais bon, elle préférait garder les câlins pour plus tard. Elle pencha la tête et dit d'un ton joyeux

-Alors Caly, ça va?

Elles ne s'étaient pas croisées souvent depuis le début de l'année et à chaque fois l'une d'entre elle était trop occupé pour qu'elles aient le temps de se parler. Clio espérait donc qu,aujourd'hui Calypso aurait du temps à consacrer à sa soeur, puisqu'elle en avait plus qu'il fallait. Elles étaient seules dans le couloir, ce qui n'était pas habituel dans les deux cas. La jeune sorcière songeait un peu à tout et à rien, à raconter l'accident qu'avait provoqué Judy, son amie, en classe de sortilège ou bien à évoquer les vacances amusantes auxquelles elles avaient eu droit cette été. Bien que la grande salle ne soit pas loin, Clio n'avait pas envie d'aller discuter là-bas avec sa soeur. Elle se plaça donc à côté, lui prit la main en la tirant dans la direction opposée et lui dit avec un petit air suppliant absolument charmant.

-Dis, on pourrait marcher un peu? Ça fait un moment qu'on a pas discuter toute les deux... Tu viens?

Elle espérait que sa soeur accepte de la suivre, de lui raconter un peu d'anectodes amusante. Elles avaient toujours des choses à se dire, ou plutôt Clio était toujours prête à entendre n'importe quoi. D'habitude, c'était les histoires drôles qu'elle préférait et elle en racontait de temps à autres. Mais bon, tirant toujours sa soeur d'un côté, elle l'implorait toujours du regard de la suivre dans une petite promenade.

Pfff. Aujourd'hui n'était pas un bon jour. La pluie n'arrangeait pas du tout Calypso, à vrai dire. Elle savait qu'il y aurait entraînement de Quidditch tout à l'heure et n'était pas franchement illuminée d'enthousiasme quant à la perspective de finir sa soirée arrosée de gadoue.
Avec un peu de chance, elle réussirait à convaincre Scorpius de l'inutilité de s'entraîner aujourd'hui, se disait-elle. Peu de chances, mais on ne sait jamais. Quelques ruses sont capables de faire fléchir bien des garçons.

En parlant de garçons, Caly était accompagnée actuellement de ses fans - ou admirateurs, si vous préférez - habituels. Ils étaient trois, pas plus. Il faut dire qu'aujourd'hui, tous les professeurs sans exception s'étaient déchaînés question devoirs sur la plupart des classes. Autant vous dire que beaucoup avaient - à regrets - dû se résigner à ne pas partager la compagnie de la sulfureuse Calypso pour privilégier lesdits devoirs.

On comprendra alors que Calypso n'était pas excessivement de bonne humeur. C'est-à-dire que ce jour de pluie l'ennuyait, qu'elle s'ennuyait tout court, que Felicia restait introuvable - peut-être terrée dans la bibliothèque où Calypso s'était obstinée à ne pas regarder, ou alors dans un passage secret à se peloter avec son copain - et qu'elle allait être obligée, plus tard, de faire ses devoirs ET de s'enduire de boue (ou, si vous préférez, participer à l'entraînement de Quidditch). Pour l'heure, elle n'avait pas très envie de réfléchir, juste de s'amuser.

Sauf que, comme je l'ai dit, elle s'ennuyait.

"Les garçons... vous ne connaîtriez pas une bonne blague ? Je m'ennuie un peu."

Les trois fans se bousculèrent pour raconter une blague. Ryan fut finalement l'heureux élu. Il en fut tellement ému qu'il raconta très mal sa blague, qui de surcroît était nulle.
Caly fit un petit rire forcé. Qui cessa bien vite. Elle soupira. Par Morgane, elle était entourée de gens pathétiques.

Son visage se ferma, Ryan bégaya en essayant vainement de réparer sa bourde - et si Calypso décidait de le chasser de son entourage ? Noooo ! -, les deux autres le regardèrent d'un air triomphant. Fatiguée, Calypso les ignora royalement.
Mais un sourire lumineux vint flatter sa beauté - les trois fans furent obligés de sortir leurs lunettes de soleil face à l'éclat de ce sourire - lorsqu'une petite voix, qu'elle reconnut immédiatement, l'interpela.

"Alors Caly, ça va ?"

Voilà, ça c'était une bonne chose dans cette journée pourrie ! Sa petite sœur Clio !

Rapidement, Caly dispensa d'un gentil sourire les trois fans, et reporta son attention entièrement sur Clio une fois qu'elles furent seules.

"Ça va, ma chérie, et toi ?"

Sa voix fut des plus douces, des plus attentionnées, des plus affectueuses. Il n'y avait personne au monde qu'elle n'aimait plus que sa petite sœur. Elle se pencha pour la serrer dans ses bras. En se relevant, elle eut un sourire énorme lorsque la fillette lui prit la main et la tira dans les couloirs.

Nyaaah, ce que Clio était mignoooonne !

Vous aurez peut-être l'impression que Calypso est une mère-poule. Eh bien, nous ne démentirons pas. Caly est en totale adoration devant sa benjamine.

"Dis, on pourrait marcher un peu ? Ça fait un moment qu'on a pas discuté toutes les deux... Tu viens ?"

Discuter ? Mais bien sûr. Elle ne demandait que ça. D'ailleurs, depuis le temps qu'elles s'étaient pas parlées, Calypso en était venue à s'inquiéter... Pourquoi est-ce que Clio ne venait pas la voir ? Est-ce que tout allait bien pour elle ? Est-ce que quelqu'un l'embêtait ? Parce que si oui, il allait avoir à faire à la furie d'une Travers, parole de Caly.

Les deux demoiselles arpentèrent donc les couloirs presque déserts, et l'ennui de Calypso, peut-on constater, s'était envolé.

"Alors, Clio, comment vont les choses ? Et Judy ? Pas trop dur, la deuxième année ?"

Caly tenait à ce que Clio lui raconte tout. Tout ! Elle était curieuse sur la vie de sa petite sœur ; comme toujours, il fallait qu'elle se sente proche d'elle, afin qu'elle puisse veiller sur elle.

Clio réfléchissait. Avait-elle quelque chose à raconter à sa soeur? Pour l'instant, rien de particulier ne lui venait à l'esprit, mais elle ne s'inquiétait pas. Ça lui viendrait, elle en était certaine. Elle trouvait toujours quelque chose à raconter. Mais pour le moment, elle se contenta d'une réponse qui lui parut simple.

-Les choses ne bougent pas vraiment, Judy va bien et la deuxième année, eh bien en fait je vois peu de différence avec la première pour l'instant.

Pour résumer sa situation actuelle, il n'y avait pas grand d'autre chose à dire. Oh, elle avait bien un ou deux devoirs, quelque chose de métamorphose qu'elle n'avait pas retenu... D'ailleurs, l'avait-elle noté? Elle l'espérait, sans quoi elle l'oublierait rapidement! Elle avait envie de rire un peu et cette balade semblait l'occasion idéale pour se détendre. Calypso ne semblait pas de meilleur humeur qu'elle, que la pluie rendait morose, mais elle avait vraiment encline à cette petite promenade. Elles ne se dirigeaient pas vers un endroit en particulier, elles semblaient plutôt dériver dans ces couloirs.

Soudain un petit quelque chose revint à l'esprit de Clio. Oh, rien de bien important, mais le genre de chose insignifiante qu'elle racontait à sa soeur parce que ça lui restait à l'esprit et qu'elle aimait bien partager ce genre de moment. Elle eut un sourire difficile à définir, mais toujours aussi adorable qu'à son habitude. Quand elle raconta son anecdote, ses pensées étaient un peu désordonnées et elle raconta cela n'importe comment de sa petite voix aigue.

-Eh, dans ma classe, il y a un garçon tellement... Enfin! En cours de potion, on devait essayer d'identifier des substance un peu bizares! Elles étaient toutes dans notre manuel et on devait faire différents test pour pouvoir savoir ce que c'était. Il y avait quelque chose de vert et de gluant! Le garçon dont je te parlais, il a essayé de l'indentifier et il pensait que c'était de la menthe, concentré avec une glue sucré qui vient d'une plante dont je ne me rapelle plus le nom. Il l'a mangé! Deux minutes plus tard, il se tordait sur le sol et sa peau sécrétait un liquide de la même couleur que le truc qu'il a mangé! Il en avait partout et même qu'il en sortait de son nez!

C'était un peu difficile à décrire, mais sur le coup, tout le monde avait rit. En effet, le garçon en question avait si peur et cet chose qu'il y avait partout sur le plancher... Clio aussi avait bien rigolé! En se remémorant la scène, elle avait dut se retenir de rire à nouveau. Il était maintenant à l'infirmerie... C'était rare qu'elle parlait autant et elle regardait autour d'elle d'un air un peu gênée. Il n'y avait personne. C'était uniquement devant sa soeur qu'elle allait ainsi... Pas que ses amis ne lui plaisaient pas, c'était juste quelque chose entre elles. Elle ajouta

-Et toi? Du nouveau?

Calypso écouta d'une oreille attentive la voix fluette de sa petite sœur lui raconter une drôle d'anecdote, alors que leurs pas les menaient à affluer paisiblement dans le labyrinthe des couloirs de Poudlard. Et Calyspo rit à cette anecdote, assez commune pour le moins - des petits imprudents, et même des grands, en cours de Potions, c'était ce qu'il y avait de moins rare plutôt à Poudlard -, mais racontée par Clio, cela en devenait tellement mignon et enthousiaste que Caly ne pouvait que rire.

Et puis, Clio lui posa la question en retour. Caly sourit, se disant qu'en soi, rien de spécialement nouveau ne lui était arrivé. C'est-à-dire que la vie continuait plutôt normale : on lui tournait autour, on la vénérait comme une reine, comme d'habitude. Et elle ne s'en plaignait pas.

"Hum, voyons voir, quoi de neuf... Pas grand-chose, tu sais. Ce n'est que le début de l'année." Ah, si, une anecdote lui revenait maintenant. "Ah, il y a eu des garçons de ta maison qui ont voulu nous faire une farce, à moi et à quelques amies... l'un d'eux s'est jeté sur le sol devant nous, il a fait semblant d'être malade pour voir si l'une de nous voulait bien l'embrasser !" Caly pouffa, omettant tout de même le fait qu'il voulait spécialement que ce soit elle qui l'embrasse. Détails peu importants. "On a voulu l'emmener à l'infirmerie, et là, ils ont tous les trois déguerpi comme des niffleurs ! Tu les aurais vus..."

Caly sourit en y repensant. Les garçons étaient décidément des êtres bizarres. Surtout les gamins de treize ans. Surtout les gamins de treize ans boutonneux, moches, gros et pauvres (donc pas du tout embrassables).

Une chose traversa soudainement l'esprit de Caly, brisant son sourire immédiatement. Ce n'était pas quelque chose de très grave ou quoi que ce soit, mais cela ne lui donnait pas vraiment envie de rire. Quelque chose de rare et d'inqualifiable...
Simplement, les parents de nos deux jeunes sorcières, Apollonius et Callianira Travers, n'avaient jamais été très proches de l'une ou de l'autre. Depuis petites, elles avaient plus appris à les respecter qu'autre chose. Des relations donc très... floues. Mais le pire dans tout cela était qu'à la fin, ni l'une ni l'autre ne savait réellement ce qu'ils avaient pensé tous les deux de la nomination de Clio à Poufsouffle, ce qui rendait les choses très étranges depuis l'année précédente. Seulement, il semblait que quelque chose avait changé, et Calypso ne savait pas quoi. Cela l'inquiétait. Beaucoup.

"Clio... est-ce que... est-ce que tu as reçu quelque chose de la part de mère ?"

Ses yeux, brillants d'inquiétude, se posèrent sur Clio, appréhensifs. Elle voulait savoir si Clio aussi... A vrai dire, Calypso demandait par sécurité. Il se pouvait très bien que cette lettre ne parle pas du tout de Clio, ou de quoi que ce soit qui concerne Clio. Comment Calypso le saurait-elle, puisqu'elle n'avait pas - encore - osé décacheter l'enveloppe ? Mais elle voulait s'en assurer. C'était tellement rare de recevoir une lettre de sa mère, que... Elle ne savait pas trop. Elle savait juste qu'elle tenait trop à sa petite sœur pour que ses parents lui fassent des reproches quelconques. Oui, si elle le pouvait, elle protégerait Clio même de sa propre mère.
Nerveusement, Calypso remit une mèche de ses cheveux soyeux en place, attendant impatiemment la réponse à sa question.

Clio rit de bon coeur quand ce fut au tour de sa soeur de raconter quelque chose. L'année commençait, il y aurait sans doute plus de choses à dire dans quelques semaines... Les deux filles continuaient tranquillement leur balade. Quand elles passèrent devant un carreau, elle jeta un oeil par la fenêtre. Le bruit de la pluie se faisait entendre fort, il raisonnait. En plus, on n'y voyait presque rien, dehors. Les couloirs étaient sombres, éclairés seulement par les torches qui s'alignaient le long des murs. Il y avait de moins en moins de monde, en fait elles n'avaient croisé personne depuis que les accompagnateurs de Calypso avaient quittés à regret l'élève de Serpentard. Le bruit de leur pas était presque couvert par celui encore plus fort de la pluie. Mais la fillette ne trouvait pas l'atmosphère lourde pour autant, avec sa soeur il n'y avait pas de malaise à avoir.

Clio ne savait pas trop quoi ajouter... Quand elle avait raconté son histoire, elle avait été prise d'un de ces rares élans qui la prenaient uniquement quand elle était avec sa soeur. Mais maintenant, son habituelle timidité la rattrapait. Ce n'était pas si grave. Soudain, Calypso arrêta de sourire. Elle ralentit un peu et sa soeur ajusta son pas au sien. Son aînée semblait... En fait la petite semblait avoir de la difficulté à identifier cet air là.

La question de Calypso prit Clio au dépourvu. Non, elle n'avait eu aucune nouvelle de sa mère depuis la rentré. Cela ne l'avait pas inquiété, à sa première année la seule lettre qu'elle avait eu de ses parents avait été à Noël. Ç'avait été une carte clichée, le genre qu'on envoie à tout la famille avec un petit bonhomme de neige qui chantait "Vive le vent" sur le dessus et une photo de ses parents. Mais pour en revenir à sa principale réflexion, elle n'avait rien reçu par courrier depuis des jours, si on faisait exception des journaux et magazines auxquels elle était abonnée. Si sa soeur lui posait cette question, c'était sûrement qu'elle avait reçu quelque chose... Étrangement, elle n'en semblait pas très heureuse. En fait, son expression était indéchiffrable.

-Non... Rien du tout. Pourquoi, toi oui? De quoi ça parlait?

Clio avait l'habitude de tout raconter à sa soeur et ça avait toujours été réciproque. Elle attendait une réponse avec impatience. La petite avait prit un air plus sérieux quand Calypso avait parlé. Elle n'avait pas feint de faire comme si de rien était, puisque les deux soeurs savaient que recevoir une lettre écrite par leur mère était exceptionnel. Était-ce un événement heureux? Que s'était-il passé?

-Caly, dis-moi tout.

C'était important. Elle devait savoir. Avec un air grave mais toujours aussi mignon, Clio fixait sa soeur. Pourquoi? Que disait cette lettre? Pas question que sa soeur se défile. Cela arrivait, mais il était question de leur parents, maintenant. Quoique ce soit, ça la concernait, directement ou pas et elle voulait savoir à tout prix ce qui se passait dans leur famille.

Expression indéchiffrable. Calypso cherchait simplement comment expliquer à Clio. Expliquer quoi, d'ailleurs ? Qu'elle était inquiète, parce qu'elle avait reçu une lettre de sa mère qu'elle n'avait pas encore ouverte ? Non, elle ne savait pas comment dire cela à Clio. Pourtant, elle ne voulait pas lui mentir. La solution serait donc de lui taire son inquiétude. Faire comme si ce n'était pas important.

Après quelques minutes de silence aussi songeur qu'embarrassé, Calypso se décida enfin à répondre aux questions de sa petite sœur.

"Ce n'est... enfin... A vrai dire, je ne sais pas de quoi parle la lettre. Je ne l'ai pas encore ouverte. C'est bête, hein ?" Calypso eut un petit rire forcé, mais ça se voyait bien que le sujet ne lui donnait pas vraiment le cœur à rire. "C'est juste que... Mère ne m'envoie jamais rien. Je ne sais pas trop de quoi il pourrait s'agir."

Habitude lorsqu'elle était mal à l'aise : s'auto-triturer les doigts. Espérons que Clio ne l'ait pas remarqué.
Calypso essayait de réfléchir au plus vite. Si Clio n'avait pas reçu de lettre, quelque part, Caly en était soulagée. Au moins, elle était sûre que ses parents ne voulaient pas s'en prendre directement à leur fille. Peut-être que la lettre ne demandait à Calypso que de donner le meilleur exemple possible à sa sœur. Ou alors ne parlait pas du tout de Clio... Mais de quoi alors ? S'était-il passé quelque chose ? Calypso aurait tout donné pour pouvoir lire l'esprit de ses si froids parents. C'était idiot, elle savait qu'il suffirait d'ouvrir la lettre pour que cette curiosité soit apaisée. Pourtant, rien que de voir la fine et délicate écriture de sa mère gravée sur l'enveloppe blanche, Calypso ne pouvait s'empêcher de frissonner.

"Je suppose... ça ne doit pas être grave," murmura Calypso, trahissant un peu sans le vouloir ce manque d'assurance que provoquait en elle la lettre mystérieuse. "Si c'était grave, je crois... Ça n'est certainement rien de grave."

Ça ne pouvait pas. Cela faisait tout de même trois jours que Calypso avait reçu cette lettre, et si ça avait été urgent, ses parents auraient déjà envoyé le mot de les sortir de Poudlard pendant quelques temps. Non ?

"Ne t'inquiète pas, Clio. Tout va bien. Tout est sous contrôle absolu."

Elle envoya le sourire le plus rassurant qu'elle trouva à sa disposition, afin de ne pas alarmer Clio. Manquait plus qu'elles soient toutes les deux affolées. Inutile. Caly préférait être sûre de ses moindres soupçons avant quoi que ce soit. Elle regrettait déjà d'en avoir parlé à sa petite sœur.
La brunette aurait voulu ajouter autre chose, dans le genre "ça doit être simplement ça", mais rien ne lui venait. Elle se contenta d'offrir ce sourire gêné se voulant rassurant. Mais elle savait que Clio était l'une des rares personnes à pouvoir lire son cœur...

Avec impatience, Clio attendait que sa grande soeur lui réponde. Elle n'émit aucun commentaires quand Calypso lui parla et laissa s'écouler cet instant de silence. La jeune Poufsouffle continua à marcher, suivant le rythme lent qu'elles avaient prit en commençant à discuter de leurs parents. Elle n'aimait pas vraiment cela. Mais le fait que sa soeur n'en sache pas vraiment plus qu'elle lui laissait une étrange impression... Bien sur, cela la calmait un peu puisqu'elle ne pouvait pas vraiment la harceler pour savoir ce que sa mère avait écrit. À ce moment, son attention fut acaparée par ce qu'ajoutait Caly. D'ailleurs cela ne la rassurait pas vraiment. Elle ne savait pas quoi dire, alors se taisait. Qu'y avait-il à ajouter de toute façon? Rien d'intelligent ne lui venait. Par contre elle se posait plein de question. Si cela avait été grave, elle l'aurait su elle aussi! Et puis si il aurait été question de la famille, elle aussi aurait du être mise au courant...

À cet instant, elle remarqua le mouvement des mains de Calypso. La jeune Poufsouffle sut alors que sa soeur était aussi intriguée qu'elle par cela, mais elle semblait aussi avoir un peu peur. Plutôt inquète. Il était difficile de l'en blâmer, elle aussi aurait été nerveuse si elle aurait reçu une lettre de mère.

Le silence se poursuivait, lourd. Elle n'osait pas ajouter quoique ce soit. Dans sa tête, elle entendait le bruit de la pluie et celui de leur pas comme à travers un mur, comme s'ils étaient lointains. Calypso dit alors que tout était sous contrôle. Cela stupéfia Clio. Comment pouvait-elle dire cela en ne sachant même pas ce que disait la lettre? À nouveau, elle était de retour sur terre.

-Comment peux-tu dire ça? commence-t-elle. C'est évident qu'il se passe quelque chose! Aller! Qu'est-ce qu'on fait, là!

Avec une audace qui ne lui ressemblait pas vraiment, elle entraîna sa soeur vers les escaliers. Ce n'était pas par là qu'elles se dirigeaient, ce fut donc un brusque changement de direction. Encore une fois, ce n'était qu'avec sa soeur que Clio se comportait ainsi. Sans dire un mot mais avec détermination, un trait qui lui convenait mieux, elle descendit les escaliers jusqu'à ce qu'elles soient dans les cachots. Bien que rares étaient ceux qui l'évoquaient à voix haute, beaucoup se doutaient que la salle commune des Serpentards se situait en ces lieux. Mais les souterrains étaient grands et la petite ne pouvait pas savoir où était la salle commune.

-Va chercher cette lettre. Si tu préfères, je t'attend ici, à côté de l'escalier. Mais il faut absolument que tu le fasses maintenant. Sinon, quand le feras-tu?

Résolue, elle croisa les bras en fixant sa soeur dans les yeux avec obstination. Pas question qu'elle cède! Elles seraient bientôt fixées...

Calypso fixa ses beaux yeux, très brillants, sur sa petite sœur. Quelques secondes à peine, avant de soupirer. Voilà, maintenant elle regrettait complètement et totalement d'en avoir parlé. Elle ne voulait pas vraiment mêler Clio à ça, elle avait juste voulu s'en assurer, et... Par Morgane, ses instincts protecteurs finiraient par lui attirer plus d'ennuis qu'autre chose.

Elle n'osa pas regarder Clio, son regard se bornant à effleurer le sol. Ce n'était pas commun de voir Calypso en tel état d'impuissance, de gêne. D'habitude, idolâtrée par tous, elle savait devoir être impitoyable envers les autres et envers sa propre image. Mais sa faiblesse refaisait surface dès qu'elle se trouvait en proximité de la personne qu'elle affectionnait le plus.

Bien. Elle se savait incapable de refuser quoique ce soit à Clio, mais au moins, ce serait bien d'essayer. On ne pourrait pas le lui reprocher. De ne pas avoir tenté l'impossible, je veux dire.

Elle se baissa - sa sœur était très frêle et petite, en comparaison à elle, ce qui accentuait son impression de fragilité - de façon à être à la hauteur de Clio. Elle se força à regarder la fillette dans les yeux, avant d'énoncer, d'une voix si peu assurée que, plus que surprise, elle eut presque peur de son propre manque d'assurance.

"Écoute, ma chérie, je... je ne veux pas que tu sois mêlée à ça. Je te dirai plus tard de quoi il s'agit, d'accord ? Rien ne presse. Je la lirai ce soir, promis."

Et elle croisa mentalement les doigts pour que Clio accepte le marché. Avec Clio, on ne sait jamais. Calypso la savait peu assurée envers les autres - même si Caly se bornait à croire que plus tard, Clio serait aussi populaire qu'elle et ferait des ravages dans les cœurs de tout Poudlard. Après tout, elle-même n'était pas si différente en deuxième année... -, mais elle avait l'impression que parfois, les côtés Serpentard de la petite Clio prenaient le dessus sur sa tendre personnalité Poufsouffle. Et si c'était le cas, là, tout de suite, Caly n'avait plus qu'à courir.

Plus important, peut-être, mais la brunette avait tu une chose - exprès - à sa sœur. C'est que la lettre ne se trouvait pas dans la salle commune décorée de vert et d'argent, mais dans sa poche. Toute la journée, elle s'était baladée avec l'enveloppe froissée mais non touchée dans la poche de sa veste d'uniforme. Il lui était arrivé de s'enfermer, en ce jour de pluie, trois fois dans les toilettes, pour la contempler et parcourir de ses doigts fins et délicats le papier teinté d'encre verte. Mais elle n'avait pas osé la décacheter, non. Y penser lui donnait des frissons, et elle ne se sentait pas le courage de l'ouvrir. Cela avait été ainsi toute la journée.

Néanmoins... Calypso se releva, et arrêta son regard sur la fenêtre. Alors qu'il bruinait il n'y a que quelques minutes, la pluie battait maintenant la fenêtre si fort qu'on se demandait si son but n'était pas de casser la vitre.

Si Clio insistait, saurait-elle résister ? Sans aucun doute, la réponse tendait vers le négatif.

Ah oui? Sa soeur allait tout lui raconter plus tard? Clio en doutait. Elle comptait savoir et était curieuse. Pas question d'attendre la version de Calypso, elle allait voir tout de suite de quoi il en retournait. Elle prit la main de sa soeur et le remis sur pied pour qu'elle puisse aller chercher la lettre. Entre-temps, elle réfléchit. Les couloirs sombres du cachots ne la rassuraient pas du tout. Qu'elles prennent cette lettre et qu'elles aillent s'installer ailleurs. L'air froid autour lui fit regretter de ne pas avoir mis une cape. Elle l'avait laissé dans le dortoir, puisque dans le reste du château elle n'en avait pas besoin.

-Oublie ça. On va la lire ensemble.

Le ton de Clio avait été ferme. C'était comme ça, point. Elle fixait sa soeur dans les yeux, résolue. Souvent, quand elle osait demander quelque chose, on lui disait qu'elle était mignonne et qu'elle devrait revenir plus tard. Avec Caly, ce n'était pas comme ça. D'ordinaire, sa soeur lui accordait un peu plus de crédibilité. Mais qu'en serait-il de cette fois-ci?

La petite était presque convaincue que sa soeur ne protesterait pas plus que ça. Ou en tout cas, cela l'étonnerait! Pas question qu'elle soit tenue à l'écart. Clio s'impatientait. Elle ne laisserait pas Calypso l'emporter, cette fois. Elle passa sa main dans ses cheveux, un peu agacée. Elle insista.

-Aller! Va la prendre, la lettre!

Auch. Les enfants, de nos jours, hein ! Qu'est-ce qui leur prend ?
Caly soupira, puis mordit sa pulpeuse lèvre inférieure. Que faire ? Elle se savait bien incapable de résister à sa petite sœur, mais... aaaargh, elle ne pouvait pas tout simplement lui lire la lettre comme ça, je veux dire... et si... ?

Eh bien, et si... elle se contenterait de cacher certains trucs à Clio, s'il le fallait.

"Hum... en fait... je l'ai là, la lettre."

Ça y est, elle l'avait dit. Impossible de se dérober. Caly re-soupira, avant de fouiller dans sa poche. Avant qu'on ait pu prononcer le mot "embêtée", elle avait déjà sorti la lettre, et à nouveau contemplait l'encre verte avec appréhension.

Par contre, s'il y avait bien une chose à laquelle elle était résolue, c'était de ne pas laisser Clio y poser les yeux. Cette lettre était pour elle seule, c'est qu'il y avait une raison.

Elle décacheta, la main tremblante, l'enveloppe, et en sortit du papier à lettre élégant. Ses yeux le parcoururent très vite.
Et un sourire soulagé s'engagea sur son visage d'ange.

"Oh, d'accord... Mère voulait juste me prévenir que mes fiançailles avec Scorpius sont définitivement réglées. Et... elle veut que je rentre à la maison pour les vacances de Noël, pour une fois, parce qu'elle a des choses à me dire concernant l'agence, je crois qu'elle veut que je fasse quelques photos, parce qu'elle... oh !"

Caly s'interrompit soudainement dans son enthousiasme nouveau. Elle venait de réaliser qu'en fait, elle avait bel et bien commis une boulette. Callianira voulait que sa fille aînée vienne pour les vacances de Noël... mais elle ne disait rien sur Clio. Et en effet, toutes les années précédentes - sauf lorsqu'elle était en quatrième année, pour l'enterrement d'un arrière-grand-oncle du cousin d'une belle-fille de la marraine d'elle ne savait déjà plus qui -, elle (et sa soeur aussi depuis l'année dernière) avait passé ses vacances de Noël à Poudlard. Ses parents n'étaient pas vraiment enclins à passer les fêtes en famille, en fait, toujours aussi distants avec leurs enfants. Personnellement, ça ne dérangeait pas Calypso, mais là elle venait plus ou moins de se "faire préférer" par leur mère... Doucement, Caly sussura à sa soeur, espérant ne pas l'avoir blessée :

"Je suis sûre qu'elle veut que tu viennes aussi..."

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